La famille Pelepol et son histoire

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Lettre de Jacques Pelepol

Je suis par définition la dernière mémoire vivante de cette famille, un rappel de son parcours à nos jours.

Un peu d’historique

Ferme fortifiée fermée par un pont levis, Sainte Croix a été édifiée fin du XIème siècle début du XIIème. Les moines cisterciens qui ont construit l’Abbaye du Thoronet, ont en amont construit Sainte Croix, pour en faire leur résidence le temps de construire l’Abbaye.

Une plaine cultivable pour produire leurs nourritures (blé, olive, vigne…) grâce au fleuve de l’Argens, l’eau support indispensable pour vivre en autarcie, Sainte Croix a été le lieu idéal.

Au fil du temps, Sainte Croix a vécu de très nombreuses péripéties. Attaqué c’est sûr, certains murs en témoignent. Défendu, protégé, Sainte Croix a résisté. Aujourd’hui, une grande partie de l’édifice est d’origine.

Sainte Croix édifié en bordure de l’Argens, a été de tout temps une route commerciale de transhumance, axe principal entre Marseille et Fréjus, deux lieux historiques. Le commerce se faisait en suivant la bordure de l’Argens, l’eau étant un élément vital obligatoire pour les hommes et les animaux.


Au fil de la vie

Jusqu’à la Révolution française, le clergé a été propriétaire de beaucoup de surfaces agricoles. Le Var est totalement concerné, c’est pour cela que les lieux-dits portent des noms de Saints. Sainte Croix, Saint Pierre, Seguemagne, Saint Marcel, Saint Etienne du clocher, Saint Paul, Sainte Marie… etc.

Sans oublier que Sainte Croix fait partie de la route de Saint Jacques de Compostelle.

Après la Révolution, un nombre important de personnes issues de la bourgeoisie sont devenues propriétaires, terriens.

Un véritable placement financier a pris naissance au travers de la terre. Sainte Croix n’a pas échappé à la règle. Quatre familles ont investi pour se répartir les terres et les bâtiments : Chaix, Ferraud, Lambaud et Frichement Jaubert. Terres que ces familles ont fait cultiver par des métayers. « Homme de confiance cultivateur qui entretient les terres, les habitations avec une location redevable au propriétaire ».

Le balbutiement de la saga Pelepol

Jules Pelepol a été le métayer et homme de confiance de la famille Lambaud. Monsieur Lambaud était un homme cultivé, inventeur du ciment armé. Une plaque commémorative rappelle d’ailleurs ce fait à Montfort, son village natal.

Homme célèbre qui a séjourné à Sainte Croix, Frédéric Mistral, il se dit qu’il a planté un micocoulier en souvenir. Je pense qu’il s’agit du grand micocoulier à l’entrée de Sainte Croix, à gauche.

La rentabilité de ces terres en métayage s’est amoindrie, naissance d’une fiscalité sur les terres. La seconde guerre mondiale avec ses séquelles a renforcé cela. M. Lambaud a demandé à Jules Pelepol de s’occuper de la vente des terres. Pour mémoire, j’ai souvenance d’une valeur demandée de 33 000 F OR à l’époque.

Jules Pelepol homme de confiance, gestionnaire, intelligent, malin comme un Pelepol a scindé en plusieurs lots cette propriété et a conservé pour lui 3 hectares 80 « le clos de Sainte Croix » et « la maison de René« . Le tout pour concrétiser la valeur demandée de 33 000 F OR.

La famille Pelepol devient propriétaire « historique ». Fernand Pelepol en 1896 est né dans cette maison à Sainte Croix. En 1914, il n’a que 18 ans et est appelé pour quatre année de guerre. Quatre ans de folie, de contribution, il a participé à toutes les batailles Chemin des Dames, Verdun. Le massacre.

À son retour sain et sauf, il est animé d’une force exceptionnelle, certainement un besoin d’oublier. Il construit sa propre cave à Carcès, développe le commerce du vin dans les Alpes de Haute-Provence et les Hautes-Alpes. Le transport se fait par chevaux ! Dans le même temps il gère deux moulins à huile. Plus commerçant que producteur, il monte un achat/revente de vin. Et oui, déjà ! Homme cultivé, instruit, intelligent, en 1920 il parle italien, écrit le français c’est sûr avec moins de fautes que nous aujourd’hui.

La seconde guerre mondiale 1939-1945 détruit beaucoup de ses ambitions, de ce qu’il avait créé, certainement a changé sa vision des choses et décide de se consacrer à son domaine en développant les achats de terres, la qualité de son vin. Ce qui fait de lui un homme reconnu dans le monde viticole.

L’arrivée de René Pelepol, terrien avant tout, intelligent, ambitieux, kamikaze souvent, travailleur acharné, visionnaire et n’ayant peur de rien surtout pas d’investir et d’emprunter à condition que ce soit des terres agricoles. Il est totalement responsable de la grandeur du domaine, personne n’aurait su faire la même chose. Mais il fallait le suivre.

En 1971, un autre Pelepol arrive

Jacques, avec ses 20 ans et sa vision de l’avenir, est déterminé à développer la qualité, créer une mise en bouteille, développer le commerce sans compter car c’est l’avenir. Une vision très proche de celle de Fernand et d’ailleurs, une complicité sans faille les rassemble toute la vie.

1971 une grande date

L’avenir bascule pour Sainte Croix, c’est le devenir de Sainte Croix qui prend naissance. 10 hectares de vignes, une maison de maître, des granges, l’ensemble de la vente c’est la famille Frichement Jaubert qui décide de vendre. La valeur était de 60 000 000 Francs : ce qui fait aujourd’hui environ 500 000 euros. Mais voilà, la famille Pelepol n’a pas de trésorerie.

La famille Pelepol est la plus modeste des prétendants, tant que la famille Cauvin (héritière de la famille Ferraud) est financièrement très forte. D’autres prétendants venus de Carcès sont intéressés. Mais le prix rebute un peu, surtout la maison de maître qui est tout à refaire. Le temps passe et René Pelepol commence à trépigner. Il a eu cette phrase assez magique : « Pour faire des affaires il ne faut pas avoir d’argent car quand on possède de l’argent on calcule trop pour le dépenser ».

Mais voilà, entre le trop et le pas du tout il faut trouver des compromis.

Papa propose de me faire émanciper pour tout acheter sur moi, de se porter caution avec Fernand, de tout hypothéquer : leurs biens, leurs maisons… Et oui, la barre est haute, très haute ! Tout cela ne suffit pas…

Papa décide de proposer un compromis avec les vendeurs. Mme Frichement représentante de la famille est admirative de la famille Pelepol. Ce compromis a été de laisser la jouissance de la maison de maître aux vendeurs pendant trois ans, et son paiement sera effectué au terme de ces trois années. Très attachés à cette maison (maison de Florence aujourd’hui), les vendeurs acceptent. C’est donc une valeur 15 000 000 francs qui a été retirée de la vente, valeur que nous avons gardé à l’emprunt initial. Cette somme nous a permis de construire la cave à Sainte Croix.

Mme Frichement a été exemplaire dans cette négociation. Veuve et ancienne épouse de M. Frichement commandant de bord, il est mort en pilotant le Général Leclerc celui qui délivra Paris (l’homologue du Général De Gaulle pendant la seconde guerre mondiale).

Avec le temps, tout cela parait si simple mais quand on a 20 ans, on signe un emprunt de 60 000 000 francs pour une durée de 30 ans. De telles conditions financières demandent un geste de courage, une part d’inconscience, une volonté de fer. Mais surtout une famille solide, forte.

La saga des Pelepol

Un dossier si difficile que la SAFER a refusé de préempter jugeant le dossier non viable. Le crédit Agricole, lui, a suivi. « Bravo, merci ! »

Pour reconnaissance, j’ai occupé de rôle d’administrateur et président en son sein. Evidemment, les huit premières années ont été terribles. Très dur pour honorer les crédits, la récolte ne suffisait pas.

L’obligation de faire encore plus : vente de pommes de terre, élevage de cochons etc… Aujourd’hui cela parait si loin et pourtant si proche !

L’achat d’Antibes, la même ambition

Cet achat est l’équivalent sur le plan commercial. Certes plus facile sur le plan financier. Ma volonté d’apporter 300 000 euros personnels, après la vente de ma villa à Marcel Panella, permet de moins souffrir aux échéances d’emprunt. Cette volonté a été obligatoire pour que l’emprunt soit accepté.

L’ensemble de toutes ces réalisations a permis à Sainte Croix de prendre une autre dimension, une autre tournure. Aujourd’hui c’est toi Florence, c’est toi Stéphane, qui a votre tour pilotez ce magnifique bateau. La saga des Pelepol peut continuer. Ce bateau vous le pilotez d’une main de maître, le relais est passé, bien passé. À vous de transmettre de la même manière à Maeva et Evan Préparez-vous à cela.

Au nom de la saga Pelepol.

Jacques PELEPOL